Quelques minutes plus tard il ajouta : « peut-être ».
Tous deux partirent en éclat de rire.
Quelques jours plus tard, lors d'une conversation qui animait un repas, il entendit le même mot ponctuer une autre explication. Il demanda en plaisantant, si c'était une coutume japonaise que de toujours remettre en cause leur propos, comme si une parole prononcée avec trop de clarté constituait une impolitesse. La réponse qui lui fut faite le troubla :
effectivement, ce mot « peut-être », « tabum » en japonais, est très employé. Au Japon, lui dit-on, les choses ne sont jamais ni blanches ni noires, mais toujours grises. Le Japon est une zone grise, une zone ambigüe : « aïmaï ».
C'est dans cette zone de l'ambigüité, que les choses peuvent advenir. On ne fixe jamais rien, fixer c'est comme étouffer l'élan qui anime la pensée. Le mouvement est fondamental. Le recours à un tel mot (tabum) permet de tempérer un propos qui se serait emporté et aurait détruit quelque chose, ou plutôt aurait stoppé un mouvement, et de fait empêché quelque chose d'advenir. Comme quand, par maladresse, on marche sur une fleur.
Cette remise en cause perpétuelle permet de garder un horizon toujours brumeux, duquel tout est susceptible d'émerger. C'est une culture du doute. Le maintien d'un regard neuf.