Il s'agit de poser à plat toute pensée qui traîne dans la tête, moins pour ne pas en perdre une miette plutôt que pour s'en débarrasser, et laisser l'oubli blanchir la mémoire, pour qu'un commencement soit possible.

AVOIR RAISON DE L'INCERTAIN

JOAN MIRO,

Miro met à plat dans ses carnets[1] une pensée très claire d’un processus de fabrication. C’est un peu froid comme terme, j’en conviens, mais c’est ainsi.
Chaque geste, chaque étape de l’élaboration est décrite avec une précision de laboratoire.
Il a une idée claire de comment obtenir son oeuvre, mais aucune vision de ce à quoi elle ressemblera.
Cette précision de l’idée est mise intégralement au service de l’accidentel. Elle n’a pour but (et de sens) que de provoquer l’inattendu.
C’est pour cela qu’il ne se retranche jamais dans le confort d’une technique maîtrisée mais cherche toujours de nouvelles voies et la naïveté qui s’y trouve. Il utilise une variété étonnante d’outils, de matières qui assemblées entres eux entraînent un nombres de combinaisons encore plus grand. (Crachat, taches d’encre, diamant à verre, plume, sable, paille, pierre ponce, bois…)Autant de manières de provoquer l’imprévisible.
Le temps joue un rôle majeur : préparer la conscience à l’acte vide.
Si l’œuvre est trop fraîche dans sa tête, ou encore aux permisses de la gestation, rien ne peut advenir. Il faut au contraire que plus aucun mouvement ne l’anime, pour que seul subsiste celui de sa réalisation.
Dans une mécanique froide, rodée mais à l’affût d’elle-même.

Miro utilise des outils rationnels pour provoquer l’irrationnel



[1] MIRO Joan, Carnets catalans, Alber Skira, Les setiers de la Création, 1976