Il s'agit de poser à plat toute pensée qui traîne dans la tête, moins pour ne pas en perdre une miette plutôt que pour s'en débarrasser, et laisser l'oubli blanchir la mémoire, pour qu'un commencement soit possible.

DESSINS FANTOMATIQUES

BENJAMIN ROYER, 5 FEVRIER, GALERIE ROGER PORTUGAL, NANTES.
Un visage croisé au détour d’une rue, une vision fugace, entr’aperçue. Quelle empreinte ces rencontres déposent-elles dans notre mémoire ? Celle d’une plume. Elle doit se déposer un instant dans l’ignorance de sa propre utilité, puis n’étant pas réactivée elle est effacée par une conscience qui se moque bien du superflu.
C’est cette trace que le peintre tente de retrouver.
Quel genre de lutte mène-t-il ? Une course contre le temps qui tente de lui ravir cette fragile réminiscence. L’empressement, le labeur dans lequel il s’abandonne distrait sa propre distraction. Le détourne d’une pensée parasite qui ne manquerait pas de lui faire définitivement perdre le cour, et l’ immerge par l’acte dans une transe laborieuse faisant ressurgir l’image fuyante d’un instant.
A quatre pattes dans la feuille blanche il provoque l’émulsion de sa vision, la rappelant d’un autre monde.

Une chose ne résiste pas à ce travail de résistance : le regard
Les visages qui émergent sont vidés de toute identité, de tout sens. Seules des variations formelles transparaissent de ce désordre flou.
L’absence de vie, ce vide des personnages transformés en fantômes n’attend d’être comblé que par celui du spectateur.
Ce sont des sacs vides que chacun essaye, enfile, expérience.
Comme des gants ou plutôt comme des marionnettes qui transportent celui qui les animent.
PORTRAITS EN ATTENTE DE DEVENIR
PORTRAITS A HABITER .

L’absence de catégorie esthétique classique (est-ce abstrait ? figuratif ?) stimule la curiosité, l’activité de celui qui regarde. C’est le spectateur qui va donner à cette informe sa forme. (Il faut entendre informe dans le sens où toute signification a-priori s'est évanouie).
Le regard transforme.
Le regard donne naissance anime mouvemente, refabrique du temps.
C’est finalement l’effet de notre regard sur la toile que l’on perçoit.
Sa puissance active.
Son potentiel de provocation.

C’est ce vide contenu dans le dessin qui ouvre tous ces possibles et qui permet la transformation.
Pour savoir ce que la toile contient il faut la regarder, l’habiter. C’est aller à l’inconnu.