Il s'agit de poser à plat toute pensée qui traîne dans la tête, moins pour ne pas en perdre une miette plutôt que pour s'en débarrasser, et laisser l'oubli blanchir la mémoire, pour qu'un commencement soit possible.

LA PAUSE CIGARETTE

Peut-être subsiste-t-il quelque chose d'un temps libre originel dans nos vies urbaines répétitives.
Je pense à la pause cigarette.
A travers ce tabac, ces produits de synthèse, que l’on consomme malgré tout, je vois du temps qui se consume.
On fume du temps.
Nos regards se vident, partent sans en avertir notre conscience à la recherche de ce temps perdu, de l’origine.
Seule distraction vraie.
Le temps de la première cigarette, celui de celle après l’amour.

Peut être que le poète Jabès n’a jamais quitté ce temps là. Il raconte que son père l’aurait déclaré à l’état civil deux jours avant sa naissance, et qu’ainsi il aurait vécu toute sa vie avec son double de deux jours plus vieux que lui. C’est sûrement ce double qui l’aura déchargé de son « Etat civil », lui offrant une vie complète en « état-non-civil », une vie de liberté, dans un temps décivilisé.