Il s'agit de poser à plat toute pensée qui traîne dans la tête, moins pour ne pas en perdre une miette plutôt que pour s'en débarrasser, et laisser l'oubli blanchir la mémoire, pour qu'un commencement soit possible.

LE PAYSAGE SE PARLE, S' HABITE, SE PARCOURT

VENDEE, 19 FEVRIER,

Il a bien fallu que la première ville se fonde à partir de rien.
Je ne sais pas bien ce que c’est qu’une ville.
Quand je regarde une ville, je ne vois pas grand chose.


Quand je ferme les yeux, je me dis qu’une ville est avant tout la construction d’une organisation qui manifeste une certaine façon que les hommes ont de voir le monde.
C’est le regard de l’homme sur le paysage que la ville raconte.

Ce que je dis est peut être de moins en moins vrai, mais c’est surtout ce que j’ai envie de croire.

Je suis issu de la montagne.
Les maisons dans lesquelles j’ai vécu, et forgé mon regard sont incrustées dans la lave des volcans. Creusées toujours plus en profondeur pour y réserver le vin. Et élevées parfois très haut pour entasser la mémoire de chacun le plus près du ciel. Les gens habitaient le peu de lumière fraîche contenue entre cave et grenier.

J’ai vu en Vendée quelque chose de curieux : des maisons sans étage, toutes en longueur, toutes plates, s’étalant dans un paysage qui en fait autant.

Le grenier est un bâtiment comme un autre, placé à côté, dans lequel un plancher de bois flotte au-dessus de la terre battue.
Il n’y a pas de cave, mais on n’en cherche pas - comment creuser quoi que ce soit dans cette terre d’argile qui ne s’emplisse sur le champ.
Pour pouvoir tirer profit du marais, des canaux y ont été dessinés en tout sens. Celui qui s’aventure dans ces terres sans sa perche ne pourra aller bien loin : il y a aussi une manière de parcourir le paysage qui s’invente.

Je ne comprendrais sûrement pas mes villes de montagne si je n’avais vu celles des landes humides, où une logique inhérente se révèle au touriste.
Elle nous rappelle cette part d’inconnu que nous avons oublié mais dont nous sommes fait.